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Habiter les marges

Date de parution : 01/06/2025
N° : 17
D’un bord, c’est la perspective du Grand Paris Express. Ou « Grand Péril Express », comme l’ont formulé quelques malicieux esprits. Rappelez-vous : c’est la principale extension du métropolitain depuis sa mise en terre, en 1898. Soixante-huit nouvelles gares, 180 kilomètres de tunnels à creuser, 40 milliards d’euros de budget, au bas mot. Mise en service progressive jusqu’en 2035 au nom du « désenclavement » et de la rapidité. Côté grisbi, c’est 1,4 fois la superficie de Paris (oui, une virgule quatre fois) qu’il est prévu d’urbaniser pour financer en retour une partie du Moloch. Si un diagnostic élémentaire indiquerait une banalité de la démesure, pour nombre de nos contemporains, il s’agit d’installer le Paris agrandi comme « ville monde », l’Île-de-France en tant que première « smart région d’Europe », et cetera. Un Grand Paris que quelques documents de planification aspirent à voir peuplé de quinze voire de dix-huit millions d’êtres humains à « horizon » 2040 ou 2050. De l’autre bord, les « marges » urbaines peuvent apparaître comme un refuge et une tentative de vivre à l’ombre de cette pieuvre en croissance. De l’habitat léger niché dans un bois au nomadisme des voyageurs ; des multiples formes de squats à une reprise de terres et du goût de la ruralité. Si elles sont choisies, les « marges » sont d’autant plus désirables que s’intensifie l’artificialisation de la vie et des sols. Mais il convient de ne pas fantasmer ces brèches, ces fêlures et autres interstices. Car, trop souvent, elles sont subies. Rappelons que l’Île-de-France (que nous aimons appeler « Francilie ») abrite plus de sans-abri que le reste des grandes aires urbaines françaises combinées ; les principaux bidonvilles de l’Hexagone (lire p. 8) ; les loyers parmi les plus onéreux du pays. Alors, à quand le retour de mouvements auto-organisés de réquisition des logements vacants, comme l’incarnait Georges Cochon au début du XX e siècle (lire p. 14) ? À quand des combats pour le droit au logement, de l’ampleur de ce qui s’installe dans le Pays basque, à Berlin ou à Lisbonne (lire p. 6 et 7) ? Et si le dossier n’en porte que peu trace, nous avons voulu marcher sur une crête : défendre le droit à un logement décent et abordable, sans naturaliser l’habitat de masse – calibré, normé, géré, surveillé, civilisé, aseptisé. Nous avons aussi tenté de rendre compte de quelques-unes de ces marges subies. De celles où sont parqués les nouveaux arrivants que les techniciens ne souhaitent plus ni voir ni accueillir (lire p. 15), les reléguant loin des oasis « cool » pour « bobos », comme des ghettos du gotha où s’agglutinent les maîtres aux mœurs d’esclaves. Ainsi, nous avons tenté d’aborder ces vies en marge qui demeurent faiblement documentées, tant leur dissimulation semble nécessaire à ceux qui veulent continuer à vivre comme si de rien n’était. La rédaction du Chiffon 1 Étude publiée le 7 mars 2025 par la chambre régionale des comptes 1 Étude Insee Revenus et patrimoine des ménages, 2021 2 Déclaration du macroniste Stéphane Beaudet, vice-président de la Région Île-de-France en 2023

Il est classique de voir la distribution du logement en Île-de-France comme une grande centrifugeuse. Pour celles et ceux qui en peuplent le centre, ça tourne rond. Mais pour qui se trouve sur ses bords, le risque plane à tout moment de se voir éjecté. Avec des loyers qui ont enflé en moyenne de 36 % dans les décennies 2000-20101 et qui continuent d’augmenter chaque année d’au moins autant que l’inflation, le constat est clair : « La situation du logement est une bombe sociale à retardement2. »

De quelle « bombe » parle-t-on ? D’un État français reconnu coupable par l’Organisation des Nations unies (ONU) de violation de droits humains pour les limites d’accès au logement (en 2019). Deux informations : en moyenne, les Franciliens mettent entre 30 et 35 % de leur budget dans le logement ; 13 000 logements sociaux furent mis en circulation en 2024… pour plus de 700 0001 ménages en attente. Avec des propriétaires qui exigent un salaire de trois voire quatre fois le loyer, qui peut encore se loger sans « photoshopper » ses fiches de paye ? Avec ces politiques de « place nette », de « harcèlement » et de « nettoyage » à grand coups de caméras de vidéosurveillance algorithmique, quelle vie se ménage-t-on ?

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